L'intelligence ou les Intelligences ?


Il existe de nombreuses théories sur l'intelligence. Donc mesurer l'intelligence est impossible tant que les chercheurs de différentes obédiences ne se sont pas accordés pour donner une définition uniforme à cette capacité très importante de notre psyché.

Il n’existe pas de consensus total sur ce qu’est l’Intelligence. Si tout le monde en possède, il n’est pas sûr en revanche que tout le monde parle de la même chose lorsqu’une personne signifie « Tiens, cette personne est intelligente ».

Il existe en revanche quelques facteurs, quelques éléments de réponse sur lesquels les chercheurs sont d’accord :

Donc l’intelligence est la capacité à s’adapter, à comprendre et à analyser le monde qui nous entoure.

L’intelligence regroupe donc des capacités aussi différentes que de résoudre des problèmes, comprendre, mais aussi établir des liens sociaux, créer de la musique ou construire une nouvelle cathédrale.

Mais les psychologues ne sont pas d’accord sur cette définition. Une étude de Synderman et Rothman en 1987 montre que les spécialistes en psychologie sont d’accord sur les caractéristiques suivantes (par ordre de priorité):
- Pensée ou raisonnement abstrait
- Aptitude à résoudre des problèmes
- Capacité à acquérir des connaissances
- Mémoire
- Adaptation à l’environnement
- Vitesse mentale
- Capacité linguistique
- Capacité en mathématiques
- Culture générale
- Créativité

Selon les spécialistes, ce sont les 10 catégories les plus significatives de l’Intelligence.

L’intelligence n’est pas synonyme de QI pour les chercheurs scientifiques sur l'Intelligence, même si ce concept a généré de nombreux travaux très intéressants sur la compréhension de l’intelligence de l’individu. Mais historiquement, c’est le QI qui a prévalu.

Théories sur l’intelligence :

Au XIXème siècle, l’intelligence se voulait sensible. Influencée par les philosophes et les artistes qui y voyaient l’expression de la beauté, ceux qui possédaient de l’intelligence étaient sensibles de par nature.

C’est une conjonction de facteurs socioculturels et historiques qui va ouvrir les psychologues à une approche de plus en plus théorique et pragmatique que l’intelligence est la capacité à l’individu à s’adapter. Et c’est dans sa scolarité que, certains pédagogues rencontrant des difficultés avec certains enfants, va naître la théorie de l’âge mental puis du QI.

La forte émergence de la biologie comme discipline majeure des sciences au XXème siècle va évidemment fortement impacter la pensée des chercheurs en psychologie, et poser le postulat des gènes et de l’influence de ceux-ci.

Il existe à l’heure actuelle une poussée vers une recherche sur l’intelligence émotionnelle et l’intelligence sociale.

L’intérêt pour savoir si les composantes de l’intelligence sont innées ou construites, est pour beaucoup de chercheurs un débat dépassé ; En revanche la bataille continue sur le fait que l’Intelligence est une « super composante » ou un ensemble de caractéristiques bien distinctes, indépendantes ou interdépendantes entre elles. Est-ce que les neurosciences cognitives vont bousculer ce débat ?

Le QI :

Le Quotient Intellectuel est une mesure de certaines capacités cognitives qui aura fait coulé beaucoup d’encre.

Mesure de l’Intelligence pour certains, mesure de certaines formes d’intelligences valorisées dans nos cultures occidentales pour d’autres (Sternberg, 2000).

Ce qui est sûr, c’est que depuis sa conception des premiers tests d’intelligence (développés par James McKeen Cattell, 1890, puis par Alfred Binet), le QI s’est imposé dans le monde social, mais pas nécessairement pour tous les psychologues du monde entier, qui lui reprochent d’être entaché de biais culturel.

Dressons rapidement l’histoire du QI :
Alfred Binet va critiquer les recherches de Francis Galton et James McKeen Cattell sur l’intelligence et va créer, à l’occasion d’une demande du ministère sur les enfants retardés, crée, avec son collègue Henri Simon, une échelle pour détecter ces enfants retardés en 1905. C’est en 1908, puis 1911, que va être créé le concept d’âge mental. Mais la paternité du QI doit être attribuée à l’allemand W. Stern qui en 1912 crée la règle suivante QI= (Age mental / Age réel) * 100.

Dès 1916, l’américain Lewis Terman adopte l’échelle française et la transforme pour les besoins américains : le QI se popularise. C’est à partir de ce moment que le concept de QI, tel que nous l’utilisons aujourd’hui, repose sur le postulat que l’Intelligence est distribuée sur une courbe de gauss et obéit donc à la loi normale. Terman considère que le QI moyen est de 100 et l’écart type est de 15 (Weschler, un futur chercheur, introduira un écart type de 16).

Inné ou acquis ?

Les nombreux travaux sur les jumeaux monozygotes adoptés pour découvrir si le QI est inné ou pas sont contradictoires, sont parfois remis en cause. Pour plus de détails, je vous conseille de lire Handbook of Intelligence de Robert Sternberg ou QI & Intelligence de Mackintosh.

Les étudiants qui veulent des arguments critiques sur ce sujet liront la malmesure de l'homme: L'intelligence sous la toise des savants du paléontologue évolutionniste Steven Jay Gould ou les chapitres 7 et 8 de l'excellent Existe-t-il des gènes du comportement ? de Pierre Roubertoux.

Capacité globale ou multiple ?

La question de déterminer si l’Intelligence est une capacité générale (Elle couvre tous les besoins) ou si au contraire, l’individu possède des capacités spécialisées est encore l’objet de nombreuses controverses. Il commence à exister un consensus, relatif certes, sur une capacité globale en amont, avec des capacités spécialisées en aval, comme le présente le modèle récent du QI, le modèle de Carroll (1993) ou celui de Cattell et Horn (1991) présenté plus bas.

Charles spearman et Lewis Terman ont défendu l’idée d’une aptitude unique ; Le concept de facteur « g » est une des références au premier article de Spearman en 1904 General Intelligence Objectively measured and determined publié dans American Journal of Psychology (N°15).

D’autres psychologues comme Louis Leon Thurstone (1938) ou Joy Paul Guilford (1967) ont défendu l’idée que l’Intelligence reposait sur plusieurs aptitudes non reliées entre elles.
Par exemple, Thurstone identifie 7 aptitudes primaires (PMA) qui sont :
- La compréhension verbale
- Fluidité verbale
- Numérique
- Spatial
- Mémoire
- Vitesse perceptive
- Raisonnement

Raymond Cattell (1971) et Philip Vernon (1971) soutiennent qu’elles sont hiérarchisées et que l’intelligence générale, verbale ou numérique, prend le pas sur des composantes plus spécifiques.
Raymond B. Cattell, associé à John Horn, ont distingué deux notions fondamentales, l’intelligence fluide et l’intelligence cristallisée.

Le modèle de John Carroll, quant à lui, un des plus récents (1993), est un modèle hiérarchique avec des composantes spécifiques :
L’étage 3 est la dimension générale de l’Intelligence (le facteur "G").
L’étage 2 comprend les composantes plus spécifiques que l’intelligence fluide, l’intelligence cristallisée, la mémoire générale, la perception visuelle et auditive, la créativité, la vitesse cognitive numérique, la vitesse de temps de réaction.
L’étage 1 regroupe tous les facteurs spécifiques.

Ce modèle couvre la compréhension d'un facteur général avec des dimensions plus spécialisées.

Intelligence fluide et cristallisée :

Une idée très intéressante, née sous la houlette des travaux de Raymond Cattell et John Horn, est qu’il existerait en fait deux composantes, et celle-ci est particulièrement intéressante à comprendre pour la psychologie du développement:

  1. L’Intelligence fluide serait la construction génétique de notre intelligence. Elle déclinerait rapidement avec l’âge. Pour faire une parabole, elle serait notre potentiel.
  2. L’Intelligence cristallisée serait une composante fortement influencée par notre environnement. Elle aurait tendance à progresser dans un environnement favorable. Pour faire une parabole, elle serait notre expérience intelligente créée avec le potentiel de l’intelligence fluide.

En savoir plus sur le QI et les tests

L’intelligence émotionnelle :

La compréhension de certaines dimensions de l’Intelligence excluant les interactions entre les individus et le désordre individuel de certains a permis de découvrir de nouvelles composantes de l’Intelligence.

Certains auteurs se sont penchés sur ce domaine et ont crée le concept de « l’intelligence émotionnelle » ; Ce sont les chercheurs John D. Mayer & Peter Salovey qui ont créé le concept scientifique en 1990, mais c’est Daniel Goleman qui popularisera le concept auprès du grand public (cf. Goleman 1993).

Il existe en fait 3 grandes théories qui se ressemblent dans le fond, mais pas dans la forme (aptitudes et classements différents). Les deux auteurs pré-cités, ainsi que Reuven Bar-on (1997) les ont établies. Pour plus d’informations « Handbook of Intelligence ».

Quelques aires de compréhension émotionnelles selon Peter Salovey et John Mayer (1997) :
- Perception et Expression des émotions
- Assimilation des émotions en pensées
- Comprendre et analyser les émotions
- Régulation des émotions

En savoir plus sur l'intelligence émotionnelle

L’intelligence sociale :

L’intelligence sociale est une dimension soulignée par les chercheurs illustres que sont Howard Gardner et Robert Sternberg.

L’intelligence sociale se manifeste dans les situations de la vie quotidienne où l’on interagit avec les autres. Elle est constituée d’une série de compétences qui permettent la compréhension d’autrui et l’élaboration de conduites efficaces dans les situations sociales. Les sujets ayant une bonne intelligence sont particulièrement sensibles aux stimuli verbaux et non verbaux susceptibles de renseigner sur les états mentaux, les émotions et les intentions d’autrui.

Les métas théories :

J’appelle les métas théories, les théories qui cherchent à donner un cadre explicatif (en anglais un framework) complet sur les capacités cognitives et supérieures de l’homme. Elles visent à expliquer la construction de l’intelligence de celui-ci, pas uniquement dans ses capacités de traitement cognitifs, mais aussi dans l’interaction d’autres composantes, telles que la créativité, les interactions entre personne, la construction de sens dans la vie de la personne.

Théorie des intelligences multiples :

Howard Gardner a construit sa théorie sur l’Intelligence, en comparant des aspects culturels, biologiques, et différentiels. Sa réflexion lui a permis de décrire 8 formes d’Intelligence (1983, 7 formes, 1999, 8 formes) qui sont :
- L’intelligence linguistique
- L’Intelligence musicale
- L’Intelligence logico-mathématique
- L’Intelligence spatiale
- L’Intelligence kinesthésique
- L’Intelligence intra-personnelle
- L’Intelligence inter-personnelle
- L’Intelligence naturaliste (ajoutée très récemment)

Il postule l’idée d’une neuvième forme d’intelligence, l’intelligence existentielle.

Gardner considère que ces formes d’Intelligence sont indépendantes.

Pour définir une forme d’Intelligence, Howard Gardner retient 8 critères qui sont :
- Existence d’idiots savants, de prodiges ou d’individus exceptionnels
- Des antécédents évolutionnistes partagés par d’autres espèces
- Isolement possible en cas de lésions cérébrales
- Présence d’une opération ou d’un ensemble d’opérations clés identifiables
- Une histoire développementale particulière
- L’existence de données expérimentales
- L’existence de données psychométriques
- La possibilité d’encodage dans un système symbolique particulier.

H. Gardner est contre les tests d’intelligence, et ne veut pas offrir des tests sur les différentes formes définies.

Théorie triarchique de l’intelligence :

Selon Robert J. Sternberg, un des psychologues les plus influents sur les théories de l’intelligence, une part de l’intelligence tient dans la sensibilité de l’individu aux différents contenus qui l’entourent.

Selon Robert J. Sternberg, il existe 3 composantes essentielles de l’Intelligence :
- Le facteur componentiel de l’Intelligence (facteur cognitif, ce que mesure le QI)
- Le facteur expérientiel : Adaptation à la nouveauté et aptitude à automatiser les traitements
- Le facteur contextuel : Adaptation au contexte et la culture de l’individu dans lequel celui baigne => Intelligence pratique

Contrairement à son collègue américain, Robert J. Sternberg considère qu’il est possible d’évaluer l’intelligence, et a créé des outils pour, le STAT.

Robert J. Sternberg travaille, comme son collègue Howard Gardner, avec de nombreuses équipes internationales sur la vision de chaque peuple sur l’intelligence.

Théorie de Jean Piaget et des néo piagétiens:

((texte à venir)); Les stades de Jean Piaget sont décrits de façon suscincte ici.

Les chercheurs néo piagétiens sont: Juan Pascual-Leone, Robbie Case, Andreas Demetriou, Graeme Halford

Autres théories de stades:

Citons les travaux de Robert Siegler, Pierre Mounoud

Quelques livres pour étudiants:

Couverture Commentaires

Larivée, S. (2007). L'intelligence - approches biocognitives, développementales et contemporaines. Ville Saint-Laurent: Éditions du Renouveau Pédagogique Inc.

Un excellent ouvrage pour étudiants qui manquait pour ceux-ci, très exhautif. Dans une première partie en 3 chapitres, les approches biocognitives (souvent méconnues) des recherches sur l'intelligence: Neurobiologie et neuropsychologie de l'Intelligence.

La seconde partie (5 chapitres) est relative à la théorie de Jean Piaget (2 excellents chapitres), ainsi que les théories dites néopiagétiennes comme celle de Juan Pascual-Leone, de Robbie Case, de Andreas Demetriou, de Graeme Halford et des travaux francophones européens comme les travaux de Jacques Lautrey (Paris V), Annick de la Ribaupierre (Genève) et d'autres. Dans cette partie, l'approche socioculturelle de Lev Vygostky; L'approche de Robert Siegler.

Dans une troisième partie (4 chapitres), les approches contemporaines, comme les théories d'Howard Gardner, la théorie triarchique de Sternberg, les conceptions sur l'Intelligence émotionnelle seront complétés d'un chapitre trop rare sur la métacognition.

Tous les recherches sur le QI sont dans un second tome. Ce qui s'avère très judicieux.

Un plus: Un modèle de pédagogie, en plus d'être dense en informations, ce livre explique très bien des dimensions complexes des théories pré-citées.

Larivée, S. (2008). Le quotient intellectuel - ses déterminants et son avenir. Sainte-Foy: Éditions MultiMondes.

Malgré un changement d'éditeur, ce livre est le second tome du précédent L'intelligence - approches biocognitives, développementales et contemporaines. Celui-ci en revanche se focalise sur les recherches sur le QI qui sont très nombreuses.

Jaugez plutôt: Dans une première partie en 2 chapitres, le directeur Serge Larivée va ouvrir le repas à travers les travaux de Spearman, de Binet, d'autres pionniers, avec une partie consacrée de David Weschler, avec une bonne biographie ce ceux-ci. Dans une seconde partie (6 chapitres) seront présentés les déterminants de l'Intelligence, avec une explication exhaustive sur la génétique, l'impact de divers facteurs comme les drogues, la nutrition, les dimensions socio-culturelles, et un chapitre sur les prématurés. La troisième partie est relative à la comparaison entre 2 groupes: sexes et ethniques. La quatrième partie s'intitule "avenir de l'Intelligence" en 2 chapitres sur l'effet flynn et le "mythe des 10% d'utilisation du cerveau"

Un livre indispensable pour tous ceux qui veulent approfondir la dimension QI de façon sérieuse !

Mackintosh, N-J (2004). QI et intelligence humaine. Bruxelles: De Boeck Université.

Un excellent ouvrage sur les travaux des chercheurs sur le QI et de très intéressantes discussions sur l'intelligence ou sur les différences mesurées pour le QI.

Sternberg, R. (2000). Handbook of intelligence. Cambridge: Cambridge University Press.

Un ouvrage de référence sur les différentes théories existantes. Indispensable pour tous les étudiants sérieux. Couvre tous les aspects de cet page et encore plus de références, d'auteurs, etc..

Winner, E (1997). Surdoués, mythes et réalités. Paris: Aubier.

La femme d'Howard Gardner travaille dans le domaine de la créativité. On peut néanmoins voir l'influence de son mari sur cet ouvrage. Que je recommande chaudement car il est très pédagogique et démystifie les liens simplistes "surdoué - génie - QI."

Gardner, H. (1997). Les formes de l'intelligence. Paris: Editions Odile JACOB.

Ce livre est mon préféré ! C'est celui qui m'a donné envie de me reconvertir à la psychologie, qui a réveillé mon amour pour les sciences. Même si vous n'êtes pas d'accord avec les théories de l'auteur, celui-ci vous ouvrira des portes de réflexion sur l'Intelligence, et rien que pour cette raison, ça devrait être une lecture obligatoire pour les étudiants et tous ceux qui parlent de l'Intelligence sans s'être penchés suffisamment sur le domaine.

Sternberg, R. J. (2004). International handbook of intelligence. Cambridge: Cambridge University Press.

Ceux qui veulent connaître les différents points de vue sur l'Intelligence du point de vue international, devraient ABSOLUMENT acquérir ce livre; Quelques pays pour vous donner l'eau à la bouche: Turquie, Inde, Chine, Japon, Zimbabwe.... Sous la direction du professeur Robert Sternberg.

Lautrey, J., Lubbart, T., Sternberg, R. (2003). Models of Intelligence. Washington: American Psychological Association.

Le chercheur R. Sternberg s'est associé avec 2 chercheurs de l'Université Paris V - René Descartes pour vous présenter des modèles récents sur l'Intelligence...

Lautrey, J., & Richard, J.-F. (2005). L'intelligence. Paris: hermès.

Sous la direction de Jacques Lautrey et Jean François Richard, un livre de référence sur le sujet. Un seul travers (commun aux ouvrages de l'éditeur Hermès): il est (trop) cher !

Tapé, G. (1994). L'intelligence en Afrique: Une étude du raisonnement expérimental. Paris: L'harmattan.

Est-ce que les stades de développement de PIAGET peuvent être utiles à la compréhension de l'intelligence des cultures d'Afrique noire ? Ou nos épreuves de raisonnement logiques ne sont pas nécessairement appropriées ? C'est à cette question que répond Gozé TAPE, chercheur scientifique en Côte d'Ivoire.